« POURQUOI LES APÔTRES SONT-ILS DES MARTYRS, ALORS QUE LA MÈRE DE DIEU S’ENDORT EN PAIX ? »

Dans quelques jours, le 28 août, l’Église va célébrer la Dormition de la Très Sainte Mère de Dieu. Cette fête, enveloppée du mystère et de l’impénétrabilité du dessein de Dieu, nous pose, entre autres, une question tout à fait singulière et profonde : pourquoi la Mère de Dieu a-t-elle achevé son chemin terrestre non pas dans la souffrance et le martyre, comme presque tous les apôtres, mais a-t-elle eu le privilège d’une fin paisible et sereine ?
Pour tenter de répondre à cette question, il faut comprendre que les apôtres furent envoyés par le Christ « par toute la terre » (Mc 16, 15), pour devenir « pêcheurs d’hommes » (Mt 4, 19), renverser les idoles et dénoncer l’imposture spirituelle, défiant ainsi les fondements mêmes du monde païen. Leur chemin fut un chemin de combat, et c’est pourquoi leur mort fut un martyr – un « ultime sermon » où leur sang criait plus fort que les plus belles paroles. L’écrivain chrétien Tertullien disait : « Le sang des martyrs est une semence de chrétiens. »
Mais en même temps, leur mort fut aussi un creuset de purification personnelle. Car les apôtres, si choisis fussent-ils, n’étaient pas exempts de faiblesses humaines : Pierre a renié, Thomas a douté, Jacques et Jean aspiraient aux premières places. Leur martyre fut ce feu qui consuma leurs imperfections et leurs fragilités charnelles, si bien qu’ils moururent comme « le grain tombé en terre » (Jn 12,24), appelé à porter un fruit abondant.
La Vierge Marie, elle, avait une autre vocation. Dès le commencement, elle fut « comblée de grâce » (Lc 1, 28), « plus vénérable que les Chérubins et plus glorieuse que les Séraphins ». Exempte de péché personnel, elle n’avait pas besoin d’être purifiée par la souffrance. Elle fut ce « Jardin clos » (Cant. 4, 12) qui contint l’Incontenable – le Seigneur Christ Pantocrator. Si son Fils a détruit la mort par sa mort, Elle, par sa Dormition, a témoigné que dans la réalité nouvelle – dans le monde du Christ – la mort n’est plus redoutable, mais qu’elle devient un doux sommeil. Saint Philarète de Moscou caractérise la fin de la Mère de Dieu ainsi : « une brume légère et passagère de la mort, à travers laquelle perce, claire et majestueuse, la vie éternelle. »
Et pourtant, il y a dans ce mystère de la Dormition une autre observation étonnante. Souvenons-nous : qui est resté au pied de la Croix ? La Mère de Dieu et le disciple bien-aimé du Christ, Jean. Ils ne prirent pas la fuite, ne se cachèrent pas par peur, mais sont demeurés au cœur même de la tragédie universelle. Les autres, eux, s’étaient enfuis. Et le dessein de Dieu manifesta un merveilleux équilibre : ceux qui avaient fui la Croix et le Golgotha durent par la suite monter sur leur propre croix et mourir en martyrs. Quant à ceux qui, sans flancher, étaient restés auprès du Sauveur crucifié, c’est comme si, à l’image de la nuée de gloire du Seigneur qui couvrait la Tente de la Rencontre dans l’Ancien Testament (Ex 40, 34-35), l’ombre de la Croix au Golgotha les avait enveloppés, la Mère et le disciple.
On pourrait dire que les apôtres martyrs furent comme des braises, rougies au feu de la souffrance, par lesquelles le Seigneur a purifié la terre. Tandis que la Mère et le disciple bien-aimé furent comme des fleurs ayant poussé à l’ombre de la Croix, qui n’avaient nul besoin du feu, car elles répandaient déjà le parfum de la pureté et de la fidélité.
Alors, puissions-nous puiser dans l’exemple des apôtres l’audace et la détermination à aller jusqu’au bout, et puissions-nous apprendre de la Très Sainte Mère de Dieu l’humilité et la pureté du cœur. Ainsi, notre mort à nous aussi ne sera pas une fin, mais une douce dormition – une entrée dans la joie de notre Seigneur.
Offices prévus dans notre cathédrale pour la fête de la Dormition de la Mère de Dieu :
27 août (17h00) – Vigiles solennelles avec litie et sortie du linceul (plaschanitsa) de la Très Sainte Mère de Dieu.
28 août (09h00) – Divine Liturgie pour la fête de la Dormition de la Mère de Dieu.
29 août (17h00) – Matines avec des Éloges funèbres de la Mère de Dieu.